Minimalisme et gestion de crise
À l’heure où j’écris ces lignes, plusieurs pays imposent à leur population des mesures de confinement de plus en plus strictes afin d’enrayer la propagation du coronavirus, avec à la clé un ralentissement important de leur économie.
Tout le monde est touché par cette crise, à des degrés divers. La situation est source chez beaucoup de personnes d’une certaine anxiété. Celle-ci est relative non seulement à leur santé et à celle de leurs proches, mais aussi à l’incertitude de l’avenir et de leur situation professionnelle. À cela s’ajoute la situation exceptionnelle de confinement et la privation de la liberté d’aller et venir à notre guise. Celle-ci sera vécue différemment, selon que l’on vit dans un studio de 15 m2 en ville ou dans une grande maison avec jardin à la campagne.
Je suis personnellement très privilégiée dans cette crise. Ma situation professionnelle et financière n’en est que peu affectée (pour l’instant) et je peux rester tranquillement à la maison tandis que d’autres n’ont pas le choix d’aller travailler en prenant des risques pour leur santé et celle de leur famille. Je constate en passant que la crise est une manière de plus de marquer les inégalités sociales.
Cela étant, d’un naturel assez anxieux, j’ai moi aussi des hauts et des bas. Et j’ai aussi du temps (entre deux moments de stress) pour observer, analyser et partager mes réflexions.

Dans ma tentative de faire face au mieux à cette situation inédite, je note déjà qu’il y a des compétences plus utiles que d’autres.
- La faculté d’adaptation, voire la capacité à se réinventer.
- L’autonomie, le fait de dépendre le moins possible de l’extérieur. Le top du top étant de faire pousser ses propres légumes (ce n’est pas mon cas). Je sais au moins cuisiner et m’adapter en fonction de ce que j’ai à disposition comme denrées. La réflexion sur l’autonomie se pose à titre individuel, mais aussi à l’échelle d’une communauté : de quelle autonomie disposons-nous non seulement d’un point de vue alimentaire, mais aussi dans la production du matériel médical nécessaire ?
- L’esprit critique et l’analyse : savoir trier l’information, trouver les bonnes sources, repérer les fake news, prendre du recul.
- La résilience, pouvoir traverser les difficultés et en sortir grandi. Je préfère parler de résilience plutôt que de positivité. Je constate en effet une forte présence de la « tyrannie » de la pensée positive en ce moment. Or, penser positif à tout prix en niant les difficultés ne me paraît pas très sain sur le long terme. Garder le moral, oui. Faire la politique de l’autruche, non.
- La capacité à comprendre et à accepter ses émotions. C’est sans doute là le point le plus important. À ce propos, je recommande le podcast « Change ma vie » et plus particulièrement l’épisode spécial sur le Coronavirus.
Je me rends compte également à quel point la réflexion que je mène depuis un moment sur le minimalisme comme philosophie de vie m’a permis d’acquérir certains réflexes qui s’avèrent particulièrement précieux aujourd’hui.
1. Je suis au clair sur mes valeurs et mes besoins
En nous incitant à nous détacher des possessions matérielles, le minimalisme nous amène à distinguer l’essentiel de l’accessoire, à réévaluer nos besoins et à définir nos valeurs.
On voit d’ailleurs à quel point les situations de crise peuvent rapidement remettre en place la hiérarchie des besoins. Avoir de quoi se nourrir, être en sécurité et en bonne santé vient en premier. Tout ce qui est lié à la consommation de produits qui ne sont pas de première nécessité est superflu.
La définition des valeurs, quant à elle, permet de guider nos choix et nous aide à prendre la bonne direction. L’exercice de les poser par écrit et de les hiérarchiser est d’ailleurs très instructif dans la connaissance de soi. Mes valeurs principales comprennent la santé, l’autonomie, le développement de soi, la qualité des relations et la contribution. Je vous laisse deviner laquelle suscite le plus d’anxiété en ce moment…
Pour aller plus loin :
- Le test des valeurs de Schwartz
- L’article « How to understand your values » sur le blog de The Minimalists.
2. J’ai déconstruit les mécanismes de surconsommation
J’évite ainsi la thérapie par le shopping. Le fait de ne jamais céder à l’achat impulsif en temps normal m’aide aussi à ne pas céder à l’achat de panique. Et ça vaut pour les stocks de nourriture ou de produits d’hygiène, mais aussi pour la consommation frénétique de contenus en ligne.
En ce qui concerne la thérapie par les chips, par contre, j’ai encore une certaine marge de progression…
3. Je n’ai pas (plus) peur du vide
En parlant de consommation de contenus en ligne, on a franchement l’embarras du choix en ce moment. En témoignent les nombreuses publications d’idées d’activités à faire de chez soi, non seulement pour les enfants, mais aussi pour les adultes. On dirait qu’il faut à tout prix combler l’ennui du confinement et du ralentissement du rythme de vie. Déjà, un bon nombre de gens n’ont pas forcément plus de temps qu’auparavant, que du contraire s’ils doivent jongler entre télétravail, gestion de crise au boulot et école à domicile pour les enfants. Par ailleurs, blinder son agenda de formations en ligne, programmes culturels, séries à binge-watcher peut aussi être une forme de fuite.
Or, j’ai constaté que c’est en étant confronté au vide et à l’ennui qu’on peut définir ce à quoi on veut vraiment passer son temps. Je parlais d’ailleurs dans un article précédent des bénéfices de l’ennui et du vide fertile comme source de créativité.
4. Je connais les principes du minimalisme digital et de la slow press
Je dis « je connais » et non « j’applique », parce que j’ai là aussi une belle marge de progression. Ces temps-ci, c’est particulièrement difficile de se détacher de son fil d’actualité, même s’il ne fait finalement que nourrir inutilement notre anxiété. C’est sans doute inévitable de passer par là dans un premier temps. Mais une fois le choc des premières nouvelles digéré, je sais ce que je dois mettre en place si je me sens dépassée. Cal Newport rappelle les bonnes pratiques dans un article de blog.
- Continuer à s’informer, mais de manière raisonnée. Choisir un petit nombre de sources d’information fiables avec des articles de fond à consulter ponctuellement, plutôt que scroller sans fin sur les réseaux sociaux.
- En dehors de cela, privilégier les activités à haute valeur ajoutée : prendre des nouvelles des proches, lire, écrire, dessiner, faire du sport.
5. Mon lieu de vie est épuré
Ce point-là est peut-être plus accessoire, mais pas complètement sans importance. Mon environnement de vie (et de travail) a toujours eu un impact important sur mon mental. J’ai passé récemment plusieurs mois à désencombrer ma maison et à éliminer le superflu. Le résultat : une maison épurée et agréable à vivre, plus d’ordre et moins de pollution visuelle. Elle nous permet de vivre le confinement de manière un peu plus sereine.
Le minimalisme n’est pas une formule magique qui résout tous les problèmes. Mais il incite à se poser les bonnes questions et à mettre en place de bons réflexes. Ces réflexes sont utiles au quotidien, mais ils le sont encore davantage pour appréhender les situations de crise.

2 Comments
Vanina
« la thérapie par les chips » : j’ai ri XD
Je partage tes réflexions, notamment sur les points 1 et 2 et me prends à espérer – peut-être un peu naïvement – qu’une prise de conscience généralisée va émerger de cette crise vis à vis de ce qu’est réellement un besoin, de la notion de consommation. Si pendant 6 semaines, les gens arrivent à tenir sans changer leur smartphone, le monde ne pourrait-il pas en être changé ?
Pour le reste, la gestion de l’ennui plus précisément, j’aimerais que le télétravail me permette de me libérer la tête pour justement goûter l’ennui mais c’est tout l’inverse : la tension et le stress sont à leur maximum en ce moment. Mais je ne désespère pas : il est inévitable que l’intensité aille en décroissant dans les jours et semaines à venir et me permette de souffler un peu.
slowkairos
Oui j’espère aussi que cette crise sera une opportunité pour certaines personnes (pas tout le monde, ne rêvons pas) de redéfinir un peu leurs besoins.
Et effectivement, le confinement n’est pas un club med pour tout le monde. J’espère que ça va se tasser un peu de ton côté pour que tu puisses retrouver un peu de temps.
Note tout de même que pour les chips, le fait de limiter les déplacements pour les courses m’aide beaucoup à limiter les compensations par la bouffe. Au moins un point positif. ^^