
Le guide vers une déconnexion durable
Avez-vous déjà tenté de réduire votre utilisation des réseaux sociaux sans succès ? Vos bonnes habitudes fonctionnent pendant quelque temps, et puis insidieusement vous retombez dans vos travers ? La bonne nouvelle, c’est que vous n’êtes pas seul.e.
En avril 2020, j’ai lancé une enquête pour sonder le rapport de mes lectrices et lecteurs aux réseaux sociaux. Il en ressort que 79,5 % des répondant.e.s ont déjà tenté de diminuer le temps passé en ligne.
Plusieurs stratégies sont mises en place à cette occasion. Les plus fréquentes consistent à :
- Désactiver les notifications
- Limiter le temps passé sur certains sites ou certaines applications
- Supprimer certaines applications du téléphone
- Effectuer une période de déconnexion temporaire
Pourtant, pour la grande majorité, ces stratégies n’ont fonctionné que de manière très partielle (50,7 %) ou temporaire (32,4 %). Une toute petite partie (4,2 %) a réussi à diminuer son utilisation de manière pérenne.

Pourquoi ces stratégies ne sont-elles pas réellement efficaces ? Je me risque à plusieurs hypothèses :
- Elles reposent avant tout sur la motivation personnelle, qui est fluctuante. Nous sommes humains et, par définition, faillibles.
- Aucun système bien défini n’est mis en place. La volonté de réduire notre utilisation numérique se transforme donc rapidement en un vœu pieux, comme une bonne résolution du nouvel an qu’on enterre en février.
- On remplace une addiction par une autre et on finit par déplacer le problème. Instagram remplace Facebook, les sites de news remplacent Twitter.
- Enfin, et c’est sans doute le plus démoralisant, les technologies construites sur le modèle de l’économie de l’attention ne sont pas conçues pour encourager une utilisation mesurée. Dans ces conditions, la solution la plus efficace est bien sûr de débrancher la prise, mais ce n’est pas toujours possible, ni souhaité.
Comme ce n’est pas demain la veille que ces technologies changeront leurs pratiques, l’une des solutions pour tenter de s’en préserver à titre individuel est d’adopter les principes du minimalisme numérique.
J’ai déjà parlé du minimalisme numérique dans mon article sur l’organisation de la résistance face à l’économie de l’attention. Pour faire court, il s’agit d’une philosophie de vie qui consiste à adopter une utilisation des technologies qui correspond à nos valeurs et à nos objectifs, plutôt que par habitude, par défaut, par pression sociale ou par désœuvrement. Le concept a été défini notamment par le professeur d’informatique et auteur américain Cal Newport. Je vous recommande d’ailleurs chaleureusement la lecture de son ouvrage (au cas où vous ne l’auriez pas encore compris).
Pour arriver à ce stade de techno-utilisateur ou utilisatrice zen, l’étape indispensable, c’est la déconnexion.
La déconnexion numérique en 5 étapes
La déconnexion consiste à se débrancher pendant une durée déterminée de toutes les technologies dispensables. Inutile de prévoir un séjour dans une cabane au milieu des Pyrénées ou dans un monastère bouddhique pour y parvenir, on peut parfaitement l’ancrer dans son quotidien. C’est d’ailleurs recommandé.
Si vous souffrez de nomophobie (no mobile phobia), il y a de fortes chances que cette idée vous donne des sueurs froides. Personnellement, elle m’a plutôt fait fantasmer, chacun son truc.
De mon point de vue, la déconnexion est vraiment la clé pour parvenir à atteindre une utilisation raisonnée des technologies. Je m’explique :
- Elle permet de se déconditionner des réflexes automatiques et compulsifs. Du genre prendre son téléphone machinalement à la moindre micro-seconde d’ennui.
- On se rend compte de manière très concrète de l’(in)utilité réelle de ces technologies et de leur impact éventuel sur notre vie quotidienne. On pourra observer l’effet sur le niveau de stress, l’humeur, le temps retrouvé, la qualité de sommeil, etc.
- Elle donne l’occasion de mettre en place de nouvelles habitudes.
- Enfin, on s’épargne une charge mentale qui peut être pesante quand on tente de diminuer son utilisation. On n’a pas à se poser la question en permanence d’y aller ou pas, combien de temps, à quelle heure, oui mais juste cinq minutes… Les règles du jeu sont clairement établies au départ et il « suffit » de s’y tenir.
Pour autant, ce n’est pas un remède miracle. S’il suffisait de lâcher son téléphone pendant deux jours pour régler le problème, ça se saurait. La preuve, c’est que la déconnexion temporaire est une des stratégies qui est revenue fréquemment dans l’enquête, sans nécessairement avoir été très efficace.
Alors qu’est-ce qui coince ? Je pense que ce qui fait défaut, c’est une vision à long terme et, en parallèle, la mise en place d’un système. Peut-être qu’on se déconnecte dans un moment de ras-le-bol, de trop plein, pour faire une pause. Ou bien on profite de ses vacances pour lâcher ses réseaux sociaux. C’était nécessaire, ça a fait du bien, on se reconnecte pour vanter les bienfaits de la « vraie » vie sans Facebook, mais on n’a pas nécessairement la volonté de changer définitivement son utilisation. Une telle détox ne pourra avoir que l’effet d’un régime drastique avant la plage pour ensuite se goinfrer tout l’été : au mieux on revient au point de départ, au pire on prend encore plus de poids.
La période de déconnexion doit donc s’envisager comme la première étape d’une réinitialisation complète de notre vie numérique. C’est la condition indispensable, mais elle n’est pas suffisante en soi. Elle doit s’accompagner d’une vraie remise en question sur l’utilisation que l’on veut faire de son temps. Spoiler alert : ce ne sont pas forcément les questions les plus simples à se poser dans la vie. Lâcher ses écrans, c’est aussi se préparer à affronter la peur du vide.
Au final, l’objectif est donc d’arriver à un stade où les détox ponctuelles ne sont plus nécessaires, parce les technologies ont repris leur juste place. Ce n’est pas forcément simple, ça demande des essais et erreurs, parfois beaucoup de tâtonnements. Cela fait un an que je me documente et que j’expérimente dans le domaine (je parle de mon expérience personnelle ici) et je pense être enfin arrivée à un équilibre qui me convient.
Je partage donc dans ce guide le résultat de mon cheminement, sous la forme de cinq étapes. Parce que oui, la déconnexion ne s’improvise pas, elle se prépare, au moins un minimum.
Étape n° 1 : connaître son pourquoi
Pourquoi veut-on modifier son rapport aux technologies ? Qu’est-ce qui nous dérange fondamentalement dans la relation qu’on entretient avec elles ? Mettre au clair le « pourquoi » est la clé de voûte de la démarche, car c’est de là que viendra la motivation à s’y tenir et à changer les choses pour de bon.
Les raisons pour se défaire de l’addiction aux écrans sont nombreuses. Dans un article précédent, j’avais évoqué les conséquences potentielles de cette addiction sur les capacités cognitives, la satisfaction générale, la santé physique et mentale. Mais la motivation la plus fréquente est sans doute la volonté de retrouver du temps pour d’autres activités.
Un autre argument pourrait venir de l’impact environnemental de cette consommation boulimique de contenus en ligne. C’est en réaction à ce constat qu’est né le concept de sobriété numérique. Selon un rapport du Shift Project, les émissions de gaz à effet de serre venant du seul visionnage de vidéos en ligne seraient équivalentes à celles d’un pays comme l’Espagne. Même si ce type de problème doit appeler des mesures qui vont bien au-delà de l’initiative individuelle des utilisatrices et utilisateurs, il peut être utile de savoir que la procrastination sur YouTube a un coût écologique.
Pour ma part, ma démarche de déconnexion a été principalement motivée par la surcharge cognitive et par le sentiment d’aliénation. L’impression d’être manipulée (c’était le cas) et de perdre totalement le contrôle de mon temps avait tendance à me déplaire fortement.
Étape n° 2 : identifier ses poisons
Parvenir à décoder les mécanismes qui sont à l’œuvre dans la captation de notre attention est primordial pour parvenir ensuite à s’en défaire. Si vous ne l’avez pas encore fait, je vous invite donc à lire mon article sur le fonctionnement de l’économie de l’attention où je me suis amusée à les décortiquer.
Ensuite, il est utile d’identifier les services et technologies problématiques, les « voleurs de temps » dont on souhaite s’affranchir. Pour ce faire, je conseillerais de passer quelques jours à observer son fonctionnement. On peut par exemple faire une note (mentale ou écrite) à chaque fois qu’on ouvre une application ou qu’on visite un site web sans réelle intention.
L’autre option est d’automatiser le processus en ayant recours à une application qui comptabilise le temps passé en ligne. Les dernières versions d’iOS et Android proposent maintenant ce type de service de base. On peut aussi installer une application dédiée, comme Moment.
L’idée est de mieux connaître et comprendre notre utilisation. Utilise-t-on telle application de manière intentionnelle ou automatique ? Dans quelles circonstances ? Pour répondre à quel besoin ? L’ennui, la frustration, la procrastination ? Y passe-t-on plus de temps que prévu et pourquoi ? Et ainsi de suite.
Étape n° 3 : établir une stratégie
Maintenant qu’on a toutes les données à disposition, on peut établir une stratégie. Parce que si seule la volonté humaine suffisait à mener un projet à bien, on n’aurait pas besoin de systèmes (ni de blogs) de productivité.
La première chose à faire est donc de définir la période et la durée de la déconnexion, en fonction de ce qui vous semble réalisable. À titre indicatif, Cal Newport préconise une période de 30 jours, ce qui me paraît assez idéal. Pour ma part, j’avais fait une semaine, mais je pense rétrospectivement que c’était trop court pour me défaire complètement de mes habitudes. Il a fallu ensuite de nombreux ajustements pour trouver mon équilibre. À refaire, je ferais donc les 30 jours sans hésiter.
En ce qui concerne la période, il peut être tentant de planifier la déconnexion pendant les vacances. On change de décor, de routine, et on est en principe suffisamment occupé pour se passer des réseaux. Ça me paraît être une fausse bonne idée. Je conseillerais au contraire d’ancrer cette expérimentation dans une période habituelle. Ce qu’on cherche à faire, c’est modifier ses habitudes au quotidien, pas faire une simple pause.
Ensuite, on reprend la liste établie à l’étape n° 2 et on divise les sites/applications/appareils en deux catégories :
- Les dispensables : on en bannit tout simplement l’usage pendant la période.
- Les indispensables : on établit des règles précises d’utilisation (période d’utilisation, durée maximum, fréquence).
Pour ma part, j’avais supprimé tous les réseaux sociaux, les blogs, les sites de news, les forums, Netflix, YouTube, l’email perso et les podcasts. J’ai conservé les messageries instantanées, uniquement pour planifier des rencontres en personne et ma liseuse.
Ensuite, on met en place des garde-fous qui nous aideront à rester dans le droit chemin. Par exemple :
- Supprimer les applications du téléphone.
- Bloquer les sites du navigateur via le contrôle parental du téléphone et/ou via une extension sur l’ordinateur (comme BlockSite ou Freedom, etc.).
- Mettre sous clé certains appareils, débrancher la TV, la box internet, etc.
Ça peut paraître un peu infantilisant, mais c’est réellement utile pour désamorcer les automatismes qui consistent à taper une adresse web ou ouvrir une application sans même s’en rendre compte.
Étape n° 4 : combler le vide
Lorsqu’on évacue ces technologies de notre vie, on récupère pas mal de temps. Ça tombe bien, c’est justement l’une des raisons pour lesquelles on entreprend ce type de démarche. Le problème, c’est que si on n’anticipe pas un minimum à quoi on va occuper ces heures récupérées, on risque de se retrouver dans un état de désœuvrement qui n’est pas franchement agréable.
Il peut donc être utile de compiler une liste d’activités au préalable, dans laquelle on va pouvoir puiser pour compenser le « manque ». Vous regrettez de ne plus avoir le temps de lire ? Vous procrastinez depuis un moment le désencombrement de votre lieu de vie ? Il y a un sport que vous avez toujours rêvé de commencer ? Ou une activité manuelle ? Un puzzle qui n’attend que vous dans le placard ? C’est le moment, c’est l’instant.
Il y a deux écueils à éviter tout de même. Même en supprimant les réseaux sociaux, il n’y a que 24h dans une journée. Évitons d’être trop optimistes sur la quantité d’activités qu’on va pouvoir réaliser, au risque de connaître la frustration (et je parle d’expérience). Je pense qu’il faut résister à l’idée de « rentabiliser » chaque minute de son temps. C’est sympa aussi de ne rien faire ou de faire des choses qui ne servent à rien.
D’autre part, les technologies addictives sont utilisées en priorité pour combler des moments de creux, ou lorsqu’on n’a pas l’énergie de commencer quelque chose de plus productif. Le piège serait dès lors de remplacer une addiction par une autre. Globalement, les activités sans écran présentent moins de risque d’être utilisées à titre compensatoire (quoique pour la nourriture, ça se discute). Mais je pense qu’il y a fondamentalement un travail à faire pour se réapproprier l’ennui.
Étape n° 5 : reprendre le contrôle
Vous avez survécu à une semaine, quinze jours ou un mois de déconnexion : bravo ! À vous maintenant d’en tirer les conclusions. Quelles technologies souhaitez-vous réintroduire dans votre vie, pour quelles raisons et à quelles conditions ?
Pour celles que vous voulez garder, il s’agira de mettre en place un système afin d’en optimiser l’utilisation, pour qu’elles répondent réellement à vos aspirations. Je me permets d’insister sur la nécessité de ce système qui permettra d’éviter que les bonnes résolutions tombent dans l’oubli.
À titre d’exemple, je détaille la manière dont je suis venue à utiliser Facebook post-déconnexion. Je n’ai pas souhaité désactiver complètement mon compte jusqu’ici, car je veux garder l’accès à mes contacts et à certaines informations qui ne sont disponibles que sur cette plateforme. Par contre, je ne veux plus me faire happer par le fil d’actualités ou les notifications. En bref, je veux limiter l’utilisation au maximum à ce qui est nécessaire.
- J’ai supprimé l’application et interdit le site web via le contrôle parental de mon téléphone. La seule manière d’y accéder, c’est via le navigateur de mon ordinateur.
- Je garde en revanche l’application Messenger sur mon téléphone. Elle me permet d’avoir accès aux messages privés sans devoir passer par le site.
- J’ai désactivé un maximum de notifications venant des groupes, des pages, etc. J’ai aussi fait un gros tri dans les pages que je suivais.
- Je limite l’accès à 15 minutes par jour via l’extension Limit de Freedom.
- J’ai noté l’anniversaire de mes proches dans mon agenda électronique. Ça me déculpabilise de ne pas y aller plusieurs jours d’affilée. J’envoie un message privé plutôt que de cliquer sur un bouton qui peut se traduire essentiellement par « salut, Facebook m’a dit que c’était ton anniversaire ».
- Le plus radical : je me suis désabonnée de tous mes contacts et de toutes les pages. Il ne s’agit pas de les supprimer, mais de faire en sorte que leurs publications n’apparaissent plus dans mon fil. Pour ce faire, il faut aller dans le menu à droite de l’écran, et cliquer sur « Préférences du fil d’actualité ». Il faut ensuite tout cocher dans l’onglet « se désabonner des personnes et des groupes pour masquer leurs publications ». Je peux toujours accéder aux pages et profils via la barre de recherche, mais mon fil d’actualités est complètement vide. On peut obtenir le même résultat plus rapidement en installant l’extension News Feed Eradicator sur son navigateur. L’avantage de la première méthode est qu’elle fonctionne quelle que soit la manière d’y accéder (application ou site web).
La combinaison de ces mesures a été extrêmement efficace. Je vais uniquement sur Facebook quand je dois vérifier une information (puisque je n’ai plus rien à y voir). Je n’y vais donc pas tous les jours et j’atteins très rarement la limite de 15 minutes. Quand je veux des nouvelles de quelqu’un, je peux toujours accéder à son profil ou, mieux, lui envoyer un message privé (parce qui partage encore sa vie sur Facebook au final ?). En bonus, j’évite les publicités et ça, ça n’a pas de prix.
Voici d’autres astuces que j’ai appliquées avec succès :
- Supprimer les applications problématiques du téléphone. Je ne les réinstalle qu’en cas de besoin, temporairement, le temps de l’utilisation. C’est ce que je fais avec Instagram, et ça c’est avéré bien plus efficace que la limite du temps d’écran ou le fait de « cacher » l’application, trop facile à contourner.
- Mettre une limite d’utilisation à certains sites. J’utilise l’extension Limit de Freedom (gratuite et facile d’utilisation) qui bloque le site une fois le temps écoulé. On peut aussi régler le temps autorisé à 0 minutes, pour bloquer un site complètement.
- Utiliser un système d’agrégateurs de flux RSS (en l’occurrence j’utilise Feedly). Oui, c’est de la préhistoire, mais c’est aussi très efficace. Les réseaux sociaux sont de toute manière de très mauvais outils pour réaliser une veille exhaustive puisqu’ils trient les informations et n’en montrent qu’un infime pourcentage. J’évite en plus d’encombrer ma boîte mail avec une tonne de newsletters. J’ai d’ailleurs ajouté un bouton RSS en haut de mon site.
- Tant qu’à retourner à la préhistoire du web, se reconstituer un dossier de favoris avec les sites web et blogs qu’on veut garder sous la main est toujours utile.
- Désencombrer sa boîte mail en supprimant les newsletters inutiles et appliquer l’inbox zéro. J’ai écrit un article sur le sujet.
- Installer l’extension DF Tube (DF pour Distraction Free). Elle permet d’épurer YouTube en supprimant toutes les recommandations de vidéos générées par l’algorithme. Elle désactive également le passage automatique à la vidéo suivante.
- Mettre en sourdine certaines conversations de groupe (si on n’ose pas vexer les gens en quittant le groupe).
- Attribuer une place précise à son téléphone dans la maison. Je le laisse dans le deuxième tiroir de la commode de l’entrée. Je peux l’entendre sonner en cas d’appel, mais je ne suis pas tentée de le consulter sans arrêt. J’évite de le prendre systématiquement quand je sors de la maison.
- Se procurer un réveil, afin de ne plus se servir du téléphone comme alarme (et donc le laisser hors de la chambre pour la nuit). C’est ce que je compte faire à court terme.
- S’interroger sur ses motivations avant de poster quelque chose. Est-ce que c’est par narcissisme ou par une réelle volonté de partage ou d’information ? La plupart des gens ne s’intéressent pas autant à notre vie qu’on le pense.
Il y aurait une tonne d’autres astuces plus ou moins radicales, comme résilier Internet ou se passer de smartphone. Je n’ai pas l’envie ni le besoin d’en arriver là. Je retire énormément de valeur de ces outils, du moment que j’en reste l’utilisatrice consciente et non le produit.
Car au final, le principe qui sous-tend toutes ces mesures est de retrouver une démarche active dans l’utilisation de ces services, plutôt que de me contenter d’ingérer les contenus qu’ils proposent. Bref, il s’agit simplement de reprendre le contrôle.
Et le FOMO dans tout ça ?
La question que vous vous posez peut-être après tout ça (en tout cas ma petite voix démoniaque ne s’en est pas privée), c’est : n’as-tu pas peur de manquer des opportunités ?
Ce fameux FOMO (Fear of Missing Out) est en effet l’un des leviers utilisés par les réseaux sociaux et l’une des raisons principales qui amènent les utilisateurs et utilisatrices à y revenir souvent (j’en ai parlé là).
J’ai un scoop : ce qu’on ne connaît pas ne nous manque pas. Une fois qu’on a perdu l’habitude de consulter ses fils d’actualités fréquemment, on finit par relativiser le caractère essentiel de la plupart des informations qu’on voit passer et la peur de louper quelque chose finit par s’estomper.
D’ailleurs, même en ayant une utilisation intensive des réseaux sociaux, on n’échappe pas totalement au FOMO. Comme c’est l’algorithme qui régit le contenu de notre fil d’actualité, on ne voit qu’une fraction des publications qui sont postées.
On peut aussi retourner la question dans l’autre sens : n’as-tu pas peur de manquer quelque chose en perdant ton temps sur ces plateformes qui n’apportent que peu de valeur ajoutée ?
La sérendipité, à savoir l’art de découvrir quelque chose qu’on ne cherchait pas, peut s’exercer de multiples manières : la lecture d’un livre amène d’autres références, une discussion avec une amie me fait découvrir un blog ou un podcast intéressant, etc.
Je crois qu’il faut simplement accepter que le FOMO est inhérent à l’expérience humaine. C’est pour ça que les séries sont aussi friandes des présents alternatifs : qu’est-ce qui se serait passé si le personnage avait fait un choix différent à un moment donné ? Mais il n’est tout simplement pas possible de vivre toutes les expériences et de connaître toutes les informations. On est condamné à n’expérimenter qu’une fraction des potentialités. On peut soit laisser cette idée nous hanter, ou bien faire des choix en conséquence.
Je m’interroge enfin sur cette idée intrinsèque du concept des réseaux sociaux selon laquelle il serait positif de rester en contact simultanément avec des centaines (des milliers ?) de gens et de savoir en permanence ce qu’ils ou elles font ou pensent. Est-ce que l’être humain est vraiment conçu pour être connecté de manière aussi massive ?
Pour être plus précise, je ne remets pas en question l’idéal de circulation de l’information que constitue internet. Mais je suis fondamentalement convaincue que cet idéal est dévoyé par tous les médias qui répondent au modèle de l’économie de l’attention. Ceci ne concerne pas que les réseaux sociaux, mais aussi la presse en ligne, qui privilégie la rapidité de publication et le nombre de clics à la réflexion de fond, la superficialité à la complexité, la quantité à la qualité.
Il me semble actuellement très compliqué d’entretenir une relation saine avec ces médias. C’est pour cette raison que je me suis résolue à ces mesures de prévention qui pourront paraître radicales, mais qui ont eu incontestablement un effet bénéfique sur ma qualité de vie. Il appartient à chacune et chacun de trouver son équilibre et de mettre en place son propre système. J’espère que ces quelques conseils pourront vous y aider !